Avec Sand Memorial, Jonathan Loppin réunit les deux axes touristiques de la région : les plages du Débarquement et les vacances à la mer. Mais la forme qu’il choisit crée une situation inédite : on y retrouve, en même temps, la gravité des mémoriaux de guerre (ou des panoramiques peints de combats, comme ceux d’Odessa et de Lausanne) et l’insouciance des châteaux de sable.
Dans un décor miniature et monochrome, l’artiste met en scène une bataille imaginaire totale (air, mer et terre), dont les protagonistes semblent tout droit sortis des bacs à sable d’un jardin d’enfants. D’ailleurs, à y regarder de plus près, les scènes représentées évoquent à peine une bataille : l’artiste utilise des jouets et des maquettes, dont les échelles, les matériaux et les époques se contredisent. Quant à l’agencement général des « combats », il ne fait pas référence à de véritables tactiques militaires mais plutôt, là encore, à des jeux : rondes, files indiennes, pyramides humaines, etc. Sand Memorial semble donc dédié à un événement que l’on ne peut ni vraiment dater, ni vraiment expliquer – situation paradoxale dans ce type de lieu.
Jonathan Loppin interroge ainsi la forme du mémorial en tant que lieu touristique et, à travers lui, notre rapport à l’histoire : comment percevons-nous les événements de la seconde Guerre mondiale en visitant les musées qui leur sont consacrés ? Comment y sont-ils représentés ? Quelle mémoire en gardons-nous ? Plutôt que sur nos paysages, il choisit de porter son regard sur notre histoire politique. Il nous oblige à nous interroger sur la façon dont elle nous est racontée en rendant étrange ce qui paraît d’ordinaire normal.
Sur une proposition du 180, espace d’art contemporain de la Ville de Rouen (Haute-Normandie)